Victor Hugo, le 21 aout 1849, prononçait lors de son discours d’ouverture du Congrés de la Paix à Paris :
« Un jour viendra où toutes les nations du continent, sans perdre leur qualité distincte et leur glorieuse individualité se fondront étroitement dans une unité supérieure et constituront la fraternité européene.
Un jour viendra où il n’y aura plus d’autre champs de bataille que les marchés s’ouvrant aux idées. Un jour viendra où les boulets et les bombes seront remplacés par les votes »
Avec l’élargissement Européen cette utopie devient progressivement réalité.
Le concept d’élargissement désigne les quatre vagues successives de nouvelles adhésions qu’a connu la communauté Européenne et par laquelle 19 pays sont venus s’ajouter aux six pays fondateurs que sont L’Allemagne, la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas.
Cet élargissement s’est fait par étape
En 1973 : Le Danemark, l’Irlande et le Royaume-Uni
En 1986 : L’Espagne, le Portugal et la Grèce
En 1995 : L’Autriche, la Finlande et la Suéde
Depuis le 1 mai 2004, l’union Européenne est passée à 25 Etats membres en accueillant dix nouveaux pays, Chypre, l’Estonie, la Hongrie, La Lettonie, Malte, la Pologne, la République Tchéque, la Slovaquie et la Slovénie.
Cela représente une augmentation de l’espace géographique de 25 % et de la population de prés de 20 % (soit 454,9 millions d’habitants au total), mais le poids économique de l’ensemble des dix nouveaux adhérents se situe entre la Belgique et les Pays-Bas : soit moins de 5% du PIB des quinze « anciens » membres. La richesse par habitant y est inférieure de 40 % à la moyenne des Quinze.
Les risques de la nouvelle Europe sont nombreux, parmis lesquels le défi institutionnel du fonctionnement à 25, mais aussi les problémes économique et budgétaire qui conjuguent les insuffisances du niveau de développement des nouveaux membres et une conjoncture très hésitante de l’ensemble du continent européen.
Le défi à moyen et long terme concerne également la politique, la culture et les questions sociales de l’Europe unie qui doit répondre à de nombreuses interrogations sur ses objectifs.
Les craintes suscitées par l’élargissement sont nombreuses (immigration en provenance de l’Est, concurrence accrue, dumping social) et elles se cristallisent, à l’heure actuelle, autour du projet de directive BOLKESTEIN .
Il s’agit d’un projet de directive sur la libéralisation des services, dite circulaire Bolkestein du nom de l’ex-commissaire européen néerlandais chargé du marché intérieur. Ce texte prévoit qu’une entreprise de service sera désormais soumise à la loi de son pays d’origine et non de celui où elle exerce.
Une agence d’intérim pourra s’installer dans un pays dont les lois sociales sont moins exigeantes pour proposer ensuite ses services dans les pays riches.
Ce texte peut inciter des prestataires peu scrupuleux à embaucher sous pavillon de complaisance des employés venant de pays où les salaires et la protection sociale sont dérisoires. Il sera également difficile de contrôler la qualité des prestations fournies et de protéger les consomateurs.
Si la circulaire Bolkestein s’inscrit dans la logique des trois autres pillier de la libéralisation européenne (les biens, les personnes, les capitaux), elle déstabilise juridiquement et économiquement un secteur qui represente les trois quart de la valeur ajouté des grands pays européens.
Elle constitue donc un véritable risque et sera de toute façon abandonnée : il y a au parlement Européen une majorité pour bloquer cette directive et le gouvernement à les moyens de le faire, le président Chirac peut parfaitement obtenir le retrait de ce projet.
Mais paradoxalement c’est le projet de constitution Européenne, que certains présentent comme un futur carcan libéral, qui apparaît comme la garantie de contrecarrer les principes contenus dans le directive Bolkestein, comme l’explique Harlem DESIR député socialiste Européen :
« Le projet de directive Bolkestein est clairement contraire aux dispositions du traité Constitutionnel. Les dispositions du titre III sur l’établissement ou le fonctionnement du marché intérieur stipulent que la Commission dans ses propositions en matière de santé, de sécurité, de protection de l’environnement et de protection des consommateurs “ prend pour base un niveau de protection élevé ”.
Or aucun niveau élevé n’est spécifié dans Bolkestein, puisque cette proposition affirme la seule application du principe du pays d’origine sans rapprochement, ni harmonisation des législations des Etats membres.
La directive n’est pas davantage conforme à ce que dispose le traité en matière de droits sociaux : le fonctionnement du marché intérieur doit permettre “ l’égalisation dans le progrès des conditions de vie et de travail ”. C’est exactement l’inverse de ce principe dit du pays d’origine qui est pourtant la colonne vertébrale de la directive.
Sur les services publics, la directive les fragilise alors que le traité les reconnaît et permet pour la première fois de légiférer pour permettre que “ ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions qui leur permettent d’accomplir leurs missions.
Enfin le traité renforcera les pouvoirs de contrôle et d’opposition des parlements nationaux face à ce type d’initiative car il suffirait de l’opposition d’un tiers d’entre eux pour demander qu’un tel projet soir remis en chantier. »
Force est de constater que l’élargissement Européen, sucite beaucoup de craintes du fait de la disparité économique et sociale entre les pays de l’union, la future constitution européene est un premier pas vers le fédéralisme qui est la voie vers laquelle l’europe doit de tourner.
En l’état actuel des choses si l’on veut atteindre cet objectif, il est necessaire de marquer un temps d’arret à l’élargissement ceci afin d’obtenir une harmonisation vers le haut de la protection sociale comme c’était l’un des objectifs de la construction européenne à la signature du traité de Rome.
Une fois ces conditions réunies (fédéralisme, protection sociale élévée et harmonisée) l’élargissement pourra reprendre son cours.