2008 s'achève. C'est, pour la plupart, le moment d'un repos, passé en famille, avec les proches, les êtres chers, pour certains auprès des personnes en difficulté. C'est aussi le temps des bilans, d'un regard rétrospectif sur l'année écoulée, des espoirs et des craintes pour celle qui vient. L'exercice du bilan est convenu, bien sûr, il est aussi naturel, chacun s'y essaie, pour son compte ou celui des autres. Je vais donc tenter, dans cette période de fêtes où je vais « débrancher » ce blog de l'actualité, elle-même ralentie, de donner ici quelques éléments de lecture de cette année particulière.
Car 2008, en effet, aura été une année singulière. Elle restera dans les annales comme celle d'une grande crise, peut être celle d'un bouleversement du monde, d'un changement de paradigme. Il est sans doute encore un peu tôt pour choisir le mot juste, parmi ces diagnostics possibles. Sommes nous à l'aube d'une nouvelle crise de 29, d'en effondrement économique de l'ampleur du choc magistralement analysé par John Kenneth Galbraith, qui a donné ensuite naissance au « New Deal », mis en oeuvre par Roosevelt et théorisé par Keynes ? Est-ce plutôt un soubresaut, de forte magnitude, de la crise dans laquelle vit le monde depuis la fin de la convertibilité du dollar en or et le premier choc pétrolier, au début des années 70, et qui a engendré dans les années 80 et 90 le retour du chômage de masse ? Le capitalisme survivra-t-il à l'ébranlement majeur du système financier, qui se poursuit avec l'explosion de l'affaire Madoff, de l'extraordinaire escroquerie de 50 milliards de dollars qui atteint de nombreux établissements financiers, des fondations – celles de Steven Spielberg, d'Elie Wiesel - des particuliers ? Répondre à ces questions n'est pas – seulement – d'un intérêt théorique. De l'analyse des phénomènes à l'oeuvre, qui n'ont pas encore produit tous leurs effets, loin s'en faut, découle la nature des solutions à apporter. Les lectures catastrophistes, comme celle de Jacques Attali, s'opposent aux visions optimistes, comme celle d'Alain Minc.
Je ne prétendrai pas, devant ces évènements que je n'ai pas davantage vu arriver que la plupart des économistes, à une parfaite clairvoyance ou une exceptionnelle prescience. Mais j'avancerai, prudemment, quelques hypothèses. Pour ma part, je ne crois pas vraiment à une nouvelle crise de 29. Les colonnes du temple sont certes secouées, le financement de l'économie reste difficile, les entreprises souffrent, la consommation s'effrite faute de pouvoir d'achat, le chômage repart, bref la récession s'installe, avec la dépression à la fois collective et – souvent – individuelle qui l'accompagne. Mais la réaction des autorités publiques a été, malgré ses tâtonnements et ses erreurs, plus rapide, plus coordonnée, donc plus efficace qu'au début des années 30. Les banques centrales, si longtemps et souvent critiquées, ont joué leur rôle, en abaissant leur taux d'intérêt directeur pour favoriser la croissance. Des plans de sauvetage du système bancaire d'une grande ampleur ont été mis en oeuvre aux Etats-Unis et en Europe, évitant le « crash » global. Et l'économie mondiale n'est pas, aujourd'hui, dépourvue de moteurs – malgré les inquiétudes qui naissent sur l'économie chinoise, qui est en train d' « atterrir ». Je ne rejoins pas pour autant les versions les plus euphoriques, qui imaginent la croissance repartir fin 2009. Car de nombreux secteurs d'activité – je pense bien sûr au premier chef à l'automobile – sont en grande souffrance, parce que la confiance des agents, sans laquelle aucun redémarrage n'est possible, est sévèrement entamée, parce que les banques continuent, malgré l'oxygène qui leur a été donné, à distribuer un crédit rare et cher à des entreprises asphyxiées et à des ménages inquiets et exsangues.
De ce point de vue, force est de constater que l'action des Etats – et pour notre continent de l'Union européenne - a été beaucoup moins efficace pour l' « économie réelle » que pour le système boursier et bancaire. J'ai déjà dit ce que je pensais du « plan Barroso ». Il est faible quantitativement – 200 milliards d'euros, à comparer aux 1.000 milliards de dollars qu'envisage l'administration Obama – trop peu européen, insuffisamment relayé par les gouvernements nationaux. Le plan Sarkozy, en France, est largement un trompe l'oeil, Angela Merkel, en Allemagne, se refuse obstinément à une vraie relance. Le risque est grand que l'Europe reste enfoncée dans la récession ou la croissance nulle, même lorsque l'économie mondiale redémarrera. Il faudra, en 2009, faire plus et mieux.
Alors, le capitalisme va-t-il trépasser, le libéralisme est-il mort, faut-il et peut-on « changer de système » ? Ce discours radical séduit à gauche, on l'entend au Parti Socialiste. Il doit être, sans doute, nuancé ou approfondi. Une page de l'histoire du capitalisme se tourne, l'ultra-libéralisme dérégulé, qui s'est imposé depuis les années 80, avec Ronald Reagan et Margareth Thatcher, est un échec. Le besoin de régulation s'impose, à l'échelle mondiale, européenne, française. La recherche de l'hyper-rentabilité à 2 chiffres, la pression brutale sur la sous-traitance, la déformation du partage de la valeur ajoutée au détriment des salaires : tout cela ne peut plus durer. Pour autant, soyons lucides, le socialisme réel ne pas pas advenir, les collectifs populaires chers à Olivier Besançenot ne vont pas prendre le pouvoir. Il faudra plutôt se battre pour un nouvel équilibre entre la puissance publique et le marché, pour de nouvelles règles économiques, financières, sociales, bref pour des nouveaux compromis... socio-démocrates. Ce débat, déterminant pour la gauche, aura lieu en 2009, notamment au moment où le Parti Socialiste fera, fin janvier, ses propositions pour une relance. C'est, sans doute, le moment de donner corps au « réformisme radical » dont parlaient « Socialisme et démocratie » et « A gauche en Europe » au début des années 2000. Ne nous trompons ni de diagnostic ni de solutions : la gauche, qui voit ses valeurs confirmées et ses analyses justifiées, se doit d'être à la fois combative et réaliste. Saura-t-elle l'être ?
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